Transcript
Menka: C’était un atelier de danse inclusif, inclusive. Faque, dans le fond j’essayais de toucher un petit peu à toutes sortes d’aspects que je touche dans la formation de danseur atypique. J’essayais de donner un petit peu de technique, un petit peu d’improvisation, un petit peu d’exploration création, puis un petit peu de répertoire. C’était un super beau group, il y avait une belle participation, il y a eu des beau moments vraiment touchants. D’une part on aura dit qu’il y a peut-être des gens intéressés à apprendre comment je travaille avec des groupes inclusifs donc j’essayais de donner aussi des notions de pourquoi je fais les choses, puis un petit peu mon approche. D’une autre part c’était juste de faire bouger toutes ces gens-là ensemble, puis avoir du plaisir à bouger ensemble toute en conservant une rigueur dans le discipline de danse. Dans l’ensemble parfois on pense que ça se peut pas les deux, c’est la rigueur, le professionnalisme, puis la joie, le plaisir, mais je pense que les deux peuvent très bien cohabiter. Quand c’est ce forme d’atelier comme ça, je pense que ça permet à des gens de se côtoyer qui se seraient pas côtoyer nécessairement, ça permet de laisser tomber nos propres barrières et dépasser les barrières qu’on se met entre les personnes. L’art c’est un bon prétexte pour ça. Après ça, de ce genre d’atelier là, parfois émerge les talents particuliers chez des personnes qui ont un handicap ou pas. Mais souvent donc les personnes qui ont un handicap ont moins la chance de développer leurs talents artistiques, puis encore moins sur une base professionnelle. Alors avec la compagnie que j’ai créé “Les productions des pieds des mains”, la compagnie a comme mission d’être inclusive donc d’intégrer sur scène des artistes atypiques, que j’aime appeler, et on travaille beaucoup avec des gens qui ont une déficience intellectuelle ou d’autisme ou d’autres besoins spécifiques. Ces des productions professionnelles, donc ils partagent les planches avec les acteurs/danseurs reconnues, ils sont rémunérés pour leur travail. Donc en échange j’ai des exigences très élevées que ça soit au niveau de la rigueur, la ponctualité etc. Mais aussi de l’entraînement physique, de la qualité de la performance.
Bien sur il y a une panoplie de moyens, d’outils pour aider à l’intégration dans la compagnie. Est-ce que tu veux que j’en parle un peu? En partant, nous c’est toujours des productions de danse et théâtre, donc avec des textes, on mélange vraiment danse et théâtre. Il y a des textes, il y a des personnages, mais il y a de la danse contemporaine. Premièrement les répétitions sont allongées pour aller aux rythme des gens, pour pallier aux rythmes d’apprentissage plus lents des personnes qui ont un handicap intellectuel. Donc au lieu de faire, disons qu’une production professionnelle c’est en moyen un cent vingt heures, nous on va aller juste qu’à cinq cents heures de répétition. En suite, comme nos acteurs, bon certains s’entraîne aux Muses, mais encore là les Muses c’est comme une formation générale dans les arts de la scène, on offre des classes d’entraînement spécifiques aux besoins de la production. Donc si c’est une pièce qui va avoir beaucoup de roulades au sol on travaille beaucoup le sol mais là on va faire une classe technique qui va travailler ces aspects-là, qu’on a besoin de développer pour le spectacle. Fait qu’on crée des classes adaptées pour entraîner les acteurs/danseurs. Puis on offre aussi du coaching individualisé, un-à-un du coaching, sinon pour le mouvement etc. pour arriver à avoir une qualité professionnelle dans le fini de la présentation parce que nos productions sont jouées sur la scène professionnelle puis sont évaluées aux mêmes titres que n’importe qu’elle autre compagnie. Fait qu’on est soumis aux mêmes critères de sélection autant pour les fonds – conseils des arts etc. – autant pour la sélection dans les festivals, les concours, chez les diffuseurs, toute ça. C’est une proposition artistique aussi valide que n’importe quelle autre proposition artistique.
Maintenant, c’est sur qu’on va travailler à partir des forces de nos acteurs/danseurs, faque c’est sur que les créations sont crées pour eux ou en fonction de leurs forces. [pause] Dans sens que, parce que pour nous le but c’est pas de faire un spectacle avec les handicapés pour faire une spectacle avec les handicapés. Le but est vraiment artistique en premier même s’il y a bienfaits thérapeutiques – mais ils sont thérapeutiques pour moi pour toute le monde là. Donc on va avoir une idée ou un texte ou ça part d’une idée de départ puis là on va choisir un casting. On va travailler à partir d’audition ou on va aller chercher des acteurs qu’on connait qui vont fitter pour le rôle. Donc, on travaille comme ça mais une fois qu’on a rassemblé toute notre équipe c’est sur qu’on va quand même créer à partir des forces de chacun puis adapter la création. Pour donner un exemple dans Pharmakon on avait un acteur qui avait beaucoup de tremblement involontaire. On a utilisé ce tremblement-là pour en fait demander à tout le monde de trembler – ça faisait partie de la chorégraphie donc sa caractéristique est devenue comme un plus-value à la création. Faque c’est comme ça qu’on travaille. Le but c’est pas de masquer l’handicap mais c’est pas non plus qu’on veut qu’il sort en premier. C’est vraiment, on recherche la valeur artistique.
Je pense que le corps parle et puis c’est intéressant d’utiliser un autre langage pour entre en communication avec les gens surtout quand la communication est un peu apeurant ou on a besoin d’apprivoiser. Faque là de passer par le corps ça permet un autre approche qui ouvre plein de portes, qui amène plein de surprises. Oui, connecter différemment puis aussi toujours dans la recherche artistique dans l’atelier qu’on vient de faire il y a eu plein de beau moments, parfois très court mais des petits moments où wow ça c’était une petite perle qu’on pourrait voir sur une scène professionnelle-là, même si c’était juste un atelier de deux heures. Les petits moments magiques comme ça, c’est cette magie-là qu’on réussit à créer qui est intéressant parce que quand on est dans cette recherche-là c’est l’art qui est plus important que l’individu.
Annick: C’est quelque chose d’esthétique finalement
Menka: Voila, c’est l’esthétique.
Annick: C’est qui est important, c’est ça. Ces deux éléments mis ensemble puis le but c’est qu’on fasse quelque chose de beau ensemble.
Menka: Voila
Annick: Oui, il y avait vraiment des belles choses.
Menka: Il y a deux théories. Il y a des profs qui aiment savoir qui a quel handicap, c’est quoi, à l’avance pour se préparer, lire là-dessus. On sait que, bon, les autistes, c’est plus difficile le contact physique faque c’est mieux de commencer doucement avant de les toucher. Il y a des choses comme ça c’est bon a savoir, mais personnellement moi je préfère pas savoir en avance, pour arriver là vraiment comme vierge de tous préjuger et d’attente, puis à arriver juste devant la personne et pas devant l’handicap. Puis aussi le fait que j’ai pas d’attente, il y a quelque chose, peut-être c’est ésotérique là, mais il y a quelque choses qui se passe que j’ai l’impression que la personne, elle se sent pas jugé ou elle est accueillie différemment ce qui fait qu’elle agit différemment. Parce ça m’est arrivé plein de fois des ateliers comme je fait là ou avec un groupe que je connais même pas puis j’arrive puis je fais l’atelier puis des éducateurs qui reviennent juste pas comme “oh mon dieu, lui il ouvert les yeux pour la premiere fois” parce que il est d’habitude dans son coin comme ça puis il a des yeux fermés. Ou lui il a réussi à toucher a plein de gens puis à danser avec plein gens, puis habituellement c’est comme il faut pas l’approcher parce qu’il pète une coche. Faque, l’effet que la musique, il y a plein d’enjeux qui font que la personne peut agir différemment faque, voila, moi je pense que je préfère ne pas de savoir puis d’arriver juste avec une grande ouverture d’esprit. Après je finis avec l’expérience-là, je suis capable d’avoir une bonne intuition de “ah okay, lui je pense qu’il est autiste, lui je pense qu’elle est telle telle diagnostique” mais de toute façon c’est pas ça qui m’intéresse. Ça peut devenir peut-être intéressant de savoir si on travaille à long-terme avec la personne. Mais encore là des fois, aux Muses par exemple, les personnes, nos élèves ils ont toutes un intervenant puis des fois ça va un mois, deux mois avant qu’on rencontre l’intervenant, puis l’intervenant arrive puis nous dit “oh, mais telle personne tu sais il est pas capable d’interagir” ou “il est pas capable de faire ça, ça, ça…” puis moi je suis comme, “mais ça fait d’un mois là qu’il le fait”. Mais j’avais su avant peut-être que j’aurais agi différemment, j’aurais même pas demandé de le faire.
C’est ma façon, c’est ma vision. Ne pas sous-estimer le potential, ne pas gêner de pousser plus loin, toujours plus loins les personnes. Souvent ils ont pas beaucoup étés poussés, les personnes qui sont né avec un handicap. Souvent on ne l’a pas donné cette chance-là de se dépasser puis de se pousser, d’être très exigeant vers eux. Puis je pense que c’est pas de faire de la vraie inclusion si on a des critères moins élevés ou si on est plus clément. Quelqu’un qui va faire un spectacle professionnelle je dirais l’handicap doit pas être une excuse pour une performance de moins bonne qualité. Voila, c’est sur que ça dépend c’est quoi le but. Si c’est le but c’est plus communautaire ou de loisir puis toutes les buts sont bons, thérapeutique. Mais je pense que je suis exigeante, puis encore plus quand c’est avec les groupes dont le but est de les former professionnellement. Je crois en eux, en leur potential. Je suis capable, je pense qu’une de mes qualités c’est que je suis capable de cerner le potential des gens puis de les aider à amener ça plus loin. Puis à les convaincre aussi de mettre l’effort qu’il faut. Oui, sinon c’est être dynamique puis pour garder la tension etc.
Je négocierais probablement je serais comme “oh essaye encore cinq minutes”. Je trouverais des façons, des fois c’est de voir aussi comment il travaille parce que peut-être que c’est parce qu’elle s’y prend mal, puis que c’est exigeant pour le corps mais la manière qu’elle fait, tu sais, des fois, de plier dans les genoux ou de changer un peu la position ça devient….
Bio
Menka Nagrani is a multidisciplinary artist who weaves together dance, theatre and music. She has a Master’s degree in theatre and a bachelor’s degree in dance and cultural studies from University of Quebec in Montreal and also studied singing and classical piano.
She founded Les Productions des pieds des mains in 2004 and has since created numerous socially engaged dance-theatre productions and short films that stage atypical artists. Her work has been presented not only in disability-linked contexts but also mostly in major theaters and artistic venues in Montreal (Espace Tangente, Théâtre La Chapelle and cultural centres), as well as in international festivals in France, Belgium, UK and Japan. The dance critic for The Globe and Mail rated Le Temps des Marguerites one of the four best dance theatre productions in Canada for 2007. In 2010, the company won the Janine Sutto Award. In 2011, Pharmakon won a Social Commitment Award and an honorable mention for Most Remarkable Production at theGala des Cochons d’or, Quebec’s award ceremony for emerging theatre. In 2012, Menka Nagrani received an award acknowledging her artistic achievements from the Quebec’s Art council.
Over the years, she has developed her own elaborate methods, rich in content and practical skills, to help train people with intellectual disabilities become professional artists on stage. A leader in integrating disabled artists, Menka is often invited to present at conferences and lead workshops around the world. She recently won an award from the Quebec Commission of Human Rights for her work as a teacher and choreographer for disabled artists.
For more information about Menka Nagrani or Les Productions des pieds des mains, visit www.productionsdespiedsdesmains.com
Artiste multidisciplinaire, Menka Nagrani travaille la danse, le théâtre et la musique. Elle a étudié le piano classique et s’intéresse également à la gigue et au chant. Elle a dansé pour les chorégraphes Marjolayne Auger, Karine Rathle, Marie-Soleil Pilette (notamment aux IVe Jeux de la Francophonie au Liban) et a participé en tant que comédienne et danseuse à une tournée québécoise avec la compagnie de théâtre ambulant Le Cochon SouRiant. Menka recherche les aventures artistiques singulières et engagées. Elle collabore régulièrement comme metteure en scène et interprète avec la compagnie de théâtre de rue Espace Forain, où elle prend plaisir à découvrir les particularités du jeu sans quatrième mur.
Elle fonde en 2004 les Productions des pieds des mains et y crée plusieurs spectacles engagés de danse-théâtre. Ses créations, Leçons, L’Ombre, Le Temps des Marguerites, Pharmakon ont été présentées sur la scène montréalaise (Tangente, Théâtre La Chapelle, maisons de la culture…) ainsi que dans des festivals internationaux en France, en Belgique et au Japon. Sa pièce Le Temps des Marguerites a été classée parmi les quatre meilleurs spectacles de danse-théâtre présentés au Canada en 2007 par la critique danse du quotidien The Globe and Mail. Sa pièce Pharmakon s’est mérité un Cochon d’or (prix de la relève artistique québécoise) ainsi qu’une nomination pour « la réalisation la plus remarquable » à ce même concours. Elle a également reçu le prix Janine-Sutto en 2010 et le Prix à la création artistique du Conseil des arts et des lettres du Québec en 2012 pour l’ensemble de son parcours artistique.
Pour plus d’informations sur Menka Nagrani ou les Productions des pieds des mains, visitez http://www.productionsdespiedsdesmains.com